Molière, l’éternel, le génie théâtral et les rumeurs qui l’entourent

Lorsque l’on parle théâtre et qu’il faut citer un auteur, c’est toujours Molière qui revient en tête de liste. Même pour le profane, le théâtre c’est Molière. Ne dit-on pas aussi de la langue française, la langue de Molière. Alors qui était ce grand homme, ce génie littéraire ? Pourquoi est-il devenu incontournable dans les cours de théâtre ? Quelle était sa vie ? Quelles sont les anecdotes et légendes qui ont entourées la vie de ce génie de la littérature française ?

 

Le mystère qui entoure sa vie

 

Molière, par Mignard

 

Depuis que Molière est mort beaucoup de choses ont été dites et beaucoup de rumeurs propagées. Ce qui revient souvent c’est qu’il n’aurait pas écrit ses propres pièces mais que Corneille en serait l’auteur. Il serait mort sur scène, dans un costume vert et c’est pour cela que les comédiens ne veulent plus porter de vert sur scène. Son père était tellement avare qu’il a inspiré Harpagon. Il a épousé sa propre fille, Armande Béjart. Excommunié par l’église il aurait été enterré dans une fosse commune. Nous verrons que beaucoup de ces allégations sont fausses et nous allons vous montrer qui était vraiment Molière.

 

Aucune correspondances ni écrits de sa propre main

 

De Molière il ne nous reste aujourd’hui uniquement ses pièces. Toutes ses correspondances, ses notes, ses brouillons ont disparu après sa mort. Nous ne savons pas comment il travaillait ou comment il trouvait ses inspirations. Tout ceci a permis aux rumeurs de naître et à entretenir le mystère autour de Molière. Seul le registre, tenu par Lagrange, comédien de la troupe de Molière permet de retracer les évènements importants de la troupe.

 

Une rumeur justifiée par la jalousie de ses rivaux

 

Molière a suscité de nombreuses jalousies auprès des troupes rivales de l’époque, les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne (troupe royale), les comédiens du Marais et les Italiens. En étant sous la protection du roi Louis XIV, Molière a vu naître de nombreux admirateurs mais aussi des ennemis farouches prêts à tout pour faire tomber Molière en disgrâce.

 

La naissance de l’Illustre théâtre

 

Né Jean-Baptiste Poquelin le 15 janvier 1622, Molière vit dans une famille, bourgeoise, aimante entouré de son père et de sa mère qui font tout pour le choyer. Son père est commerçant et tapissier du roi ce qui veut dire qu’il s’occupait du mobilier et faisait le lit de sa Majesté. Cette charge procurait aux Poquelin un revenu fixe confortable ainsi qu’une excellente publicité commerciale. Molière est à l’abris de tout besoin et fait des études brillantes de droit et de lettres dans de très bonnes écoles. Dans le quartier des halles où il vit, il va faire la connaissance de Madeleine Béjart, comédienne, qui va devenir sa muse, sa maîtresse et qui va l’initier au théâtre. Ils décident ensemble de créer une troupe de théâtre : l’illustre théâtre.

 

Des débuts difficiles

 

La succession des affaires revenait à l’époque au fils ainé. Pourtant Molière annonce à son père qu’il renonce à tout, à une vie confortable sur le plan matériel, pour se lancer dans le théâtre. Le père compréhensif, donne une somme rondelette à son fils pour qu’il puisse débuter. Molière et Madeleine, décident de se fixer sur la rive gauche à Paris et de faire concurrence aux troupes de l’époque c’est-à-dire aux comédiens du Marais et à ceux de l’Hôtel de Bourgogne. Ils s’installent du côté de la porte de Nesle mais après 6 mois, c’est la déroute. Très peu de spectateurs et le couple est criblé de dettes. Molière fera même de la prison pour non-paiement de ses créances. Son père va à la rescousse de son fils et se porte garant sur le recouvrement des dettes. Là aussi on est loin de la rumeur qui voulait faire du père Poquelin, l’Harpagon de son futur Avare !

 

Tournées en province

 

La troupe de Molière sillonne pendant quelques années la province, se forge une réputation et consolide ses bases dans le jeu d’acteur. Molière jouait essentiellement des tragédies, qui étaient à ses yeux plus nobles que les comédies. Il enviait les grands tragédiens comme Floridor. Remarqué par Monsieur (frère de Louis XIV), il jouit désormais d’une notoriété et d’une protection prestigieuse.

 

L’entrée à Versailles

 

Portrait Louis XIV jeune

La réputation de Molière commence à arriver aux oreilles du roi qui décide de l’inviter au vieux Louvre. La troupe décide de jouer Nicomède, tragédie de Corneille qui fait un four devant le roi et les comédiens de la troupe royale, ravis de ce revers. Il sauve la mise en jouant une farce écrite par lui « Le Docteur Amoureux » qui n’a jamais été éditée et dont nous n’avons aucunes traces. Le succès est enfin là. Le roi accorde à Molière de jouer en alternance avec les Italiens dans la salle du Petit-Bourbon. C’est le retour triomphal à Paris.

 

Le succès et enfin la reconnaissance

 

Sur les conseils avisés de Madeleine, Molière écrit des comédies et c’est le début de ses succès à Versailles et à Paris et du confort matériel. Très jalousé par Pierre Corneille, il sera obligé de collaborer avec lui ainsi qu’avec Lully pour « Psyché » tragédie-ballet d’une durée de cinq heures. Cette collaboration sera utilisée plus tard par les détracteurs de l’œuvre de Molière voulant faire de Pierre Corneille l’auteur unique de toutes ses pièces et notamment du Misanthrope. Rumeur qui durera une centaine d’années avant d’être balayée il y a quelques années par la stylométrie, une science à la croisée de la linguistique et de la statistique qui donne la paternité des œuvres attribuées à son auteur à 95%. Molière est bien l’auteur de toutes ses comédies.

 

Une inspiration constante

 

Certains détracteurs voulaient faire de Molière un plagiaire. Sa pièce « Les précieuses ridicules » trouve la même intrigue dans le « Cercle des femmes » de Samuel Chappuzeau qui parle d’une jeune pédante, prétentieuse et intéressée par les livres de sciences. Molière a sublimé l’intrigue pour en faire un chef d’œuvre.

Lors de sa tournée en province, la troupe de Molière avait dans son répertoire une pièce fétiche d’un auteur désormais inconnu, Guérin de Bouscal et qui a inspirée son futur « Dom Juan ».
Son célèbre « Que diable allait-il faire dans cette galère » des « Fourberies de Scapin » et qui a fait rire tout Paris, a été emprunté à Cyrano de Bergerac, qui lui-même l’avait emprunté du Candelaïo de Giordano Bruno Nolano. Bref, les auteurs de cette époque allaient chercher des inspirations aussi chez les autres. Mais une phrase reprise, une intrigue similaire n’enlèvent en rien au génie littéraire de Molière.

 

Il aurait épousé sa propre fille

 

Molière, autre portrait de Mignard

Une autre rumeur qui dure et fait polémique depuis des années : Molière aurait épousé sa propre fille. Madeleine Béjart avait une sœur de vingt-cinq ans sa cadette : Armande. Molière en tombe amoureux et décide de l’épouser. Mais était-ce vraiment sa sœur alors que Molière et Madeleine ont été amants de nombreuses années ? Il n’en faut pas moins aux détracteurs de Molière pour lancer la cabale. Nous n’allons pas exposer tous les faits car beaucoup de livres ont été publiés à ce sujet et le débat existe toujours. Ce que l’on sait de façon certaine, c’est que Molière était un honnête homme, ses œuvres le prouvent et que jamais il n’aurait accepté d’épouser sa propre fille et de commettre un inceste. Madeleine qui a été toute sa vie à ses côtés, sa confidente, son allié le plus fidèle l’aurait-elle d’ailleurs acceptée ?

 

Une fin romantique

 

Madeleine la muse et compagnon fidèle de Molière meurt le 17 février 1672. Molière, est dévasté par le chagrin. C’est avec elle qu’il a bâti l’Illustre théâtre et devenu l’auteur, le directeur de troupe et le comédien que l’on sait. Un an plus tard, jour pour jour, le 17 février 1673, Molière meurt à son tour après avoir joué « Le malade imaginaire ». Quelle coïncidence !

 

Mort sur scène

 

Tout comédien rêve de mourir sur scène. Hélas la plupart des comédiens meurent dans leurs lits comme ce fût le cas pour Molière. Pour preuve les mots de Lagrange que l’on peut lire dans son registre : « Ce même jour après la comédie, sur les 10 heures du soir, Mr. de Molière mourut dans sa maison rue de Richelieu, ayant joué le rôle du Malade imaginaire, fort incommodé d’un rhume et fluxion sur la poitrine qui lui causait une grande toux, de sorte que, dans les grands efforts qu’il fit pour cracher, il se rompit une veine dans le corps et ne vécut pas demi-heure ou trois quarts d’heure depuis ladite veine rompue, et est enterré à la paroisse Saint-Joseph, aide de la paroisse Saint-Eustache. Il y a une tombe élevée d’un pied de terre. »

 

La couleur verte

 

On dit que Molière serait mort dans un costume vert et que c’est pour cela que le vert est toujours banni sur scène par les comédiens. La version en est un peu moins romantique. Le vert était une couleur a éviter sur scène car à l’époque, la lumière des bougies renvoyées par les réflecteurs donnait un ton blafard aux comédiens. Molière jouait quant à lui le Malade imaginaire dans une robe de chambre mais pas du tout verte !

 

Les comédiens excommuniés

 

Molière jeune

On pensait que l’église excommuniait tous les comédiens et que Molière a fini dans une fosse commune. Ceci est totalement faux. Les comédiens avaient droit à une sépulture si ceux-ci, avant de mourir, se confessaient et reniaient leur métier. Beaucoup le faisaient et pouvaient être enterrés en terre sainte. Malheureusement, Molière qui était croyant n’a pas eu le temps de se confesser avant l’arrivée du prêtre. Il a fallu l’intervention de l’archevêque et du roi pour que Molière puisse être enterré au cimetière des innocents et de nuit pour ne pas attirer les curieux. Pourtant, on dit qu’une centaine de flambeaux entouraient le cercueil. Il fût enterré non pas comme comédien mais comme tapissier et valet du roi. Il rejoignait cette corporation au trépas. Tapissier il avait été, tapissier il redevenait.

 

Armande en hommage à son mari

 

Armande fit déposer une stèle de pierre sur la tombe de Molière. On dit qu’en souvenir de son mari, elle paya des fagots de bois pour les plus pauvres afin qu’ils puissent se réchauffer. Dès que l’hiver se fit un peu plus rude, on fit brûler un énorme bûcher sur cette dalle. A la chaleur, la pierre se fissura et éclata. Le temps dispersa ses débris.

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